L’heure de Fixin
Le manoir de la Perrière, propriété de la famille Joliet, produit des cuvées qui hissent haut les couleurs de ce village mal connu.
Par Stéphane Reynaud
Publié le 02/04/2021
A Fixin (prononcer Fissin), au nord de Gevrey-Chambertin, sur la route de Dijon, les 5 hectares d’un seul tenant qui surplombent le manoir forment un dôme exposé aux courants d’air : c’est le monopole du Clos de la Perrière. Ici pousse une vigne qui fut cultivée dès le XIIe siècle par les moines cisterciens. Un monumental pressoir à levier y fut installé dès le XIVe siècle. À l’issue des guerres de Religion, le clergé finit par vendre le domaine qui fut incendié. À partir de 1622 et pendant un peu plus de deux siècles, plusieurs familles se succédèrent. Les Joliet veillent sur ce bout de terre depuis 1853.
“Il s’agit d’une forme de sacerdoce, explique Bénigne Joliet. Nous considérons que la vigne est un transmetteur entre la terre et nous-mêmes.” Cela fait peu de temps qu’il parle fièrement des vins de sa propriété : “Quand j’étais jeune, je ne me vantais pas d’être viticulteur. Ce n’était pas à la mode. Le vin était associé aux pochetrons.” Puis, il revient sur le magnétisme, le sentiment de paix qui émane de ce bout de territoire choisi on ne sait comment par d’éclairés ecclésiastiques. “Parfois, il gèle. Mais je ne perds jamais plus de 50 % de la récolte.” Joliet voit le verre à moitié plein. Il a aussi un rêve : accéder au statut de grand cru.
Ici, le pinot noir est le patron. À peine un demi-hectare est consacré au chardonnay. Tout est cultivé en bio non certifié “car j’en ai marre que des gens viennent me dire ce que j’ai à faire chez moi”, assène Joliet. Il voue un immense respect à la vigne à côté de laquelle il dort.
Trois terroirs en un
Le Clos de la Perrière se compose d’une partie nord, calcaire, une partie sud plus sableuse et de l’argile en bordure de forêt. Trois terroirs en un qui donnent des vins plus ou moins fruités, tanniques, minéraux, “une minéralité qui fait saliver, propre à tous les grands vins”, note Bénigne Joliet. C’est l’assemblage des trois jus qui donne toute sa grandeur au vin de la Perrière. Ce triptyque assure l’équilibre et le charme du jus final, le Fixin premier cru Clos de la Perrière. Les vins jeunes, à la couleur sombre, sont dominés par les arômes de fruits noirs et (un peu trop ?) boisés. Le 2018 se révèle souple et dynamique. Le 2016 est déjà formidable, complexe et superéquilibré, c’est un vin opulent dans lequel on retrouve les touches de poivre blanc de certains échézeaux. Le temps devrait les magnifier. C’est tout ce qu’on lui souhaite.